La mode système D

La mode système D

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La mode vestimentaire pendant la guerre …

Marcel Proust la décrit dans Le Temps retrouvé, pendant la première guerre mondiale : les femmes découvrent les formes droites, simples, à mille lieues des falbalas étagés que portait Odette. Désormais les femmes s’habillent très guerre, en combattantes, retrouvant la mode du Directoire, à la Talma.

Pour la seconde guerre mondiale, c’est Colette qui nous renseigne sur l’activité des couturiers, des ateliers, sur les défilés parisiens qui défient ces rudes années de pénurie.

Tout l'éclat des dernières décisions de la Mode, elles (les mannequins) le laissent, modestement, aux "créations" qui sont confiées à leur grâce, à la brève phase d'ambulation qui expose, comme un motif mélodique cent fois répété, la robe, le manteau, les deux-pièces ...
Le temps d'arrêt pendant lequel le mannequin ouvre le manteau, la veste, pour laisser voir une doublure ou un gilet est un chef-d'oeuvre de réserve, je devrais écrire de pudeur, puis elle retourne à l'ombre et aux secrets du "cagibi" d'habillage. Elle en est peut-être à son cinquième kilomètre de parquet ciré, et la journée n'est pas finie ... Mais, spectatrices, françaises d'ici et de la province, étrangères fidèles à admirer les beaux ouvrages de Paris, ce n'est pas au mannequin fier et fourbu que vous vous intéressez. Vous contemplez, stupéfaites, ce que réalise une nation dépouillée, qui ne reçoit pas de textiles, qui fait la soie avec du bois, file le verre, se chausse de planche, imite, à nous y tromper, la laine avec du ... avec de ... Comment donc appelez vous ? ...
"Attendez, chère amie, je vais m'informer. J'oublie, moi aussi, tous ces noms nouveaux ..."
Non, ne demandez rien, c'est moi qui vous instruirai. Croyez-vous qu'il suffise de quelque cellulose, d'un chanvre tiré de l'ortie ou du genêt ? Cela vient de plus haut. C'est fait de miraculeuse obstination, tramé avec la fibre d'un espoir qu'on ne tue pas. C'est fait avec les veilles de beaucoup d'hommes, le rayon d'une lampe qui s'éteint à l'aube, une songerie qui interpose, entre le projet et sa réalisation, la dentelle d'araignée d'un deuil intime et secret. C'est fait avec la gravité tragique des femmes, avec les rires qui la déguisent, avec le terrible orgueil et l'humilité de quelques artisans de race, et la fantaisie de l'adolescence qui crayonne son improvisation sur un mur ; avec la désinvolture de ces mains de Paris qui tutoient l'or et les substances précieuses, mais savent aussi les remplacer par des bouts de cuir, du carton peint, des noyaux d'abricot, des graines de pignons et du zinc découpé ...

Colette, extrait de Formes et couleurs n°2, Avril 1943

On peut lire cet article de Colette dans le livre Colette journaliste, 1893-1955, éd. du Seuil, 2010.

Ci-dessous, une petite fashion victim de ma collection !


2 thoughts on “La mode système D

  1. Que tout cela est bien beau et bien dit, parmi « ces artisans de race » il y avait alors Dior et son escorte à qui la TV rendit hommage cette semaine !
    Bien a vous talentueuse couturière pour fille à épouser, pour poupées et aussi pour belles et instructives proses !

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